Descriptif du spectacle
Enluminures pour un P
1934 : Joseph Bovet amplifie le Tir fédéral de Fribourg par un jeu de fête, un Festspiel. C’est « Mon pays ».
Qui peuple ce pays ? Des paysans, éleveurs et bûcherons. Des artisans. Fribourg a sa rue des forgerons. Bovet les mue en orfèvres. Il n’oublie pas que la cité fut celle des drapiers. Pour faire battre la veine, il ajoute un chœur d’enfants. Candides, comme les lendemains à naître.
L’abbé fait sonner, çà et là, les cloches de Pâques. Chanter la faux du moissonneur. Perler le chant du coucou. Au gré des saisons.
Les saisons, ne lui déplaise, je les ai prises « a rèvèrtson ». L’hiver d’abord (le spectacle se donne en février). Puis l’automne, puis l’été. Pour terminer au printemps. Ce « furi » qui voit bourgeonner les arbres et monter les troupeaux.
« Mon Pays », c’est une œuvre forte, charpentée. Prenez le P du mot Pays. Ce P a une verticale, droite comme le mât d’un voilier. Dans son alvéole pourrait se blottir un couple d’oiseaux.
Et voici quel est mon travail : apporter à ce P des enluminures.
Ces enluminures s’appellent :
– Longue brique, le ver de terre à tête d’architecte
– Mélomâne, l’âne qui naquit de l’océan et qui finit par aimer le son
– Filoche, l’araignée tombée d’une étoile et qui a tendu sa toile pour les peintres
– Gorgette, la coquette de bruyère, à la longue mémoire
– Plumail, son conjoint, toujours prompt à défendre son territoire
– Ocelle, l’oiselle qui voit avec ses ailes
– Paradou, son promis, qui doit découvrir le monde à tire-d’aile avant de trouver son paradis
Point commun. Ces sept personnages, qu’ils aient voix de rogomme, en dents de scie ou un chat dans la gorge, vont prendre mesure que la musique est un baume. Que le chant est aussi vital que la respiration.
Palou Gremaud (auteur des textes de liaison et du livret scénique)
L’âme du pays
Mon Pays ? « C’est le chef-d’œuvre de Bovet », dit sans ambages Michel Corpataux.
L’œuvre fut créée en 1934, pour le Tir fédéral qui fit pétarader Fribourg. L’heure était au rassemblement. Et l’abbé n’y alla pas avec le dos de la cuillère à crème. Orchestre, grand chœur, chorale d’enfants, solistes et figurants. Une vraie bénichon musicale !
Dans cette traversée des saisons, le compositeur exploitait tous les registres de l’émotion. L’élégie (quand la terre est engourdie), le bonheur (pour la récolte des fruits), la vaillance (pour l’abattage du boulot), l’espoir (pour l’éclosion du printemps).
Tout ce spectre de couleurs se retrouve dans la version 2011.
Mais fallait-il maintenir le ton péremptoire du coryphée, qui rameutait les forces du pays ?
Plutôt que la solennité, l’auteur du nouveau texte scénique a choisi l’humilité, en donnant la parole à des animaux.
Le coq de bruyère (ou de Gruyère…) fait figure d’emblème. Il est la mémoire de la région. Des oiseaux, encore, tiennent le rôle des amoureux. Ils seront bagués… A une lettre près, l’âne gouailleur – il ne mâche pas ses mots – pourrait être l’âme du pays.
Et le spectateur conviendra que les animaux ne sont pas si… bêtes. Ils ont cet avantage sur les humains : leur cœur s’enflamme comme un brûlot. Tandis que les hommes, eux, ruminent trop !
Texte de Palou Gremaud
« Mon Pays que j’ai servi à ma manière, de tout mon coeur, en le célébrant par mes chansons. Mon Pays que je continue à chanter jusqu’au dernier souffle de ma vie. Car il est vrai de dire que ce peuple, je l’ai aimé et je l’aime profondément. Mon but, en écrivant des chansons pour lui, a été de lui donner de la joie, de l’aider dans son labeur de tous les jours, de faire luire à ses yeux sans qu’elle s’éteigne, la flamme généreuse de l’espérance, du courage, de l’optimisme. C’est cela que j’ai voulu. J’y ai mis tous mes efforts et toute ma foi. J’y ai mis une sincérité rigoureuse. Ai-je réussi ma tâche ? Il est encore trop tôt pour le dire. En tout cas, mes chansons, je ne les ai pas écrites comme un simple compositeur, mais comme un prêtre aussi, et ce fut là mon ministère et mon apostolat. »